Louise Michel à Bourmont, Haute-Marne

Publié le par Philippe Mangion

Louise Michel, dans ses mémoires, évoque ses "éblouissements" d’enfant devant la librairie Guerre, à Bourmont, le bourg de Haute-Marne proche de son village natal, Vroncourt : "Je n’ai point encore perdu cette impression devant certains étalages de livres..."
Grâce à l'aide de la SHAB (Société Historique et Archéologique du Pays de Bourmont) et des archives de Haute-Marne, j'ai retrouvé l'emplacement de cette librairie et cette photo que je ne suis pas arrivé à dater. La librairie est sur la gauche, elle ne s'appelait plus Guerre, mais Etienne.
On remarque la modestie du lieu. Les livres, à l'époque comme de nos jours, se suffisent à eux-mêmes pour éblouir les enfants. Malheureusement, ces petites librairies de village ont disparu. A Bourmont, je n'en ai pas retrouvé.
Voici un extrait de "Louise" (roman biographique, à paraître) qui évoque une promenade à Bourmont, où Louise a l'habitude d'accompagner son grand-père :
"...De la place, ils redescendent vers la rue de la Charrois, en terre battue. Louise saute à pieds joints entre les flaques d’eau et les crottins de chevaux. Sa tenue de sortie est déjà parcellée d’éclaboussures et ses chaussures, pleines de boue. À droite, sur les marches d’escalier de sa maison, une fille plus petite qu’elle, huit ans peut-être, les cheveux ébouriffés, les joues creuses, la fixe d’un regard clair, profond mais sans expression. Une charrette qui passe à quelques centimètres ne la fait pas bouger. Louise, qui soutient son regard, ne voit pas son grand-père s’engouffrer dans une boutique du trottoir d’en face. Quand elle se retourne pour le chercher, elle fait face à une devanture où des livres sont disposés avec soin, comme les dentelles chez la couturière. Une revue illustrée est ouverte sur une gravure de Paris en couleur. Au-dessus de la porte, une enseigne gravée forme un demi-cercle : LIBRAIRIE GUERRE. Louise rejoint son grand-père à l’intérieur. Il s’adresse au libraire à voix basse, comme fomentant quelque complot. L’homme a le même binocle que son instituteur. Après quelques compliments à l’égard de Louise, ils reprennent leur discussion et la laissent déambuler entre les tables. D’abord elle n’ose pas toucher les livres, jusqu’à ce qu’elle voie un client en parcourir quelques-uns. Elle se lance, lit des phrases dont elle ne comprend pas le sens, ce qui ne la décourage pas. Son plaisir c’est déchiffrer, transformer les signes en syllabes et les prononcer dans sa tête, silencieusement. Comme les chants en latin de la messe, la musique des mots n’en est que plus harmonieuse. Une demi-heure passe à ouvrir des dizaines de livres, en capter des phrases, un paragraphe. Mais quand Édmé, avant de partir, l’invite à en choisir un pour son anniversaire, elle est bien incapable de dire lequel. Elle emporte finalement un livre de botanique aux très belles planches, conseillé par monsieur Guerre, et une partition importée d’Italie."

 

Publié dans Louise Michel

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