Louise Michel : la ferme du Luzerain
Dans un passage de ses mémoires, Louise Michel évoque son pays et sa mère Marianne : "C'est un petit bois planté par ma mère elle-même, sur la côte des vignes, et qu’elle continua de soigner pendant son long séjour dans la Haute-Marne, près de sa mère, tandis que j’étais sous-maîtresse à Paris [...] « Les choses ont des larmes », a dit Virgile. Je le sens en pensant au petit bois et à la vigne arrosés des sueurs de ma mère.
De là, on voyait le bois de Suzerin avec le toit rouge de la ferme. Les montagnes bleues de Bourmont [...] toute la côte des blés, ondulant sous le vent ; c’est ainsi que je me figurais la mer, et j’avais raison."
J'ai retrouvé cette ferme de Luzerain (et non de Suzerin, la mémoire a fait défaut à Louise) au-dessus de Vroncourt, les toits rouges, les montagnes bleues, les blés ondulant sous le vent. Les lieux ont sûrement beaucoup changé, mais les impressions restent...
C'est aussi dans cette ferme que le père de Louise, Saint-Laurent (oui, c'est son prénom !) a été éloigné après que la domestique, Marianne, fut enceinte. Avant de mourir, il accusa son propre père d'être le véritable père de Louise, ce qui la troubla profondément. Elle avait dix-sept ans. Elle s'en confia à Victor Hugo dans une longue lettre où, exceptionnellement, elle exprime ses traumatismes : "...Je ne le crois pas, et pourtant c'est une pensée horrible que vous seul saurez jamais et que je veux écarter de moi..."
Dans ses mémoires, elle sacralise sa mère. Dans ces cas-là, par instinct je me méfie. La correspondance montre que leurs rapports furent souvent conflictuels, Marianne se montrant très intrusive. En matière de sainte, elle figurait plutôt une Sainte-Pénible...