24 mai 2025 : montée au Mur des fédérés

Publié le par Philippe Mangion

Chaque année à la fin du mois de mai, l'association des Ami.e.s de la Commune de Paris 1871 commémore la Semaine sanglante, au cours de laquelle, du 21 au 28 mai 1871, le gouvernement d'Adolphe Thiers réprima dans le sang l'insurrection, faisant plus de vingt-mille morts.

Un monument est érigé en leur mémoire au cimetière du Père-Lachaise. Il s'agit du Mur des Fédérés. La cérémonie consiste en un défilé dans Paris jusqu'au cimetière, qu'on appelle la montée au Mur. Cette année, celle-ci s'est déroulée le 24 mai, au départ de la place des Fêtes dans le XIXe arrondissement. 

A son arrivée, j'ai eu l'honneur de rédiger et lire l'hommage aux Communards. En voici le texte :

 

Chers ami.e.s de la Commune,
Louise Michel voyait la société humaine, au même titre que la nature, comme rythmée par une harmonie universelle, où chaque cycle, chaque révolution, serait une étape vers un monde plus juste. 
La Commune s’inscrit dans cette vision artistique, tombée tragiquement à l’apogée du printemps 1871, mais ravivée aux battements de nos pas et de nos cœurs, à chacun de nos rendez-vous.
Au joli mois de mai, au temps des cerises, elle nous guide dans un Paris en fleurs, le plus souvent ensoleillé.
Marcher dans le Paris des faubourgs pour un idéal de République sociale, à visage découvert, chantant et hissant haut nos fanions, voilà un geste qui depuis 145 ans est immuable, même à l’ère du numérique.
Nul besoin de Google pour trouver le chemin du Père-Lachaise ni de ChatGPT pour nous apprendre que les peuples ont plus que jamais besoin de l’idéal communal.
Car si le monde s’est transformé, les injustices, elles, n’ont pas disparu. 
La célèbre prédiction du film le Guépard est toujours d’actualité : 
tout a changé, mais rien n’a changé.
Aujourd’hui, il existe des endroits où l’on exploite comme au XIXe siècle, 
travail forcé, travail des enfants,
et d’autres où l’on exploite de façon plus insidieuse, plus moderne, en faisant croire à l’exploité qu’il est son propre patron. Un bon moyen de rendre impossible toute forme de solidarité.
Dans ce monde nouveau, les massacres aussi existent toujours : viols, démembrements, exécutions sommaires, 
mais on a inventé d’autres méthodes plus sophistiquées : une Intelligence Artificielle indique les cibles, là où ça fera le plus mal, et les drones se chargent de larguer les bombes. C’est le progrès !
Celles qui n’ont pas changé depuis le XIXe siècle, ce sont les victimes : massacrées, exploitées, colonisées, déplacées, ballottées par les guerres. Dans leur immense majorité, elles n’espéraient que vivre dignement et en paix.
Souvent les dirigeants se hâtent d’effacer les sales périodes de l’histoire, quand ils ne tentent pas carrément de les réécrire. Ils veulent passer à autre chose, laissant les victimes au seul refoulement de leur douleur.
A l’association des Ami.e.s, nous perpétuons la mémoire de la Commune pour l’offrir à tous ceux qui veulent s’en inspirer. 
Nous ne sommes ni dans les batailles de mots, ni dans les batailles de chiffres. Nous racontons l’histoire des idées qui l’ont animée, mais surtout celle des gens.
Donner un nom, ne pas oublier, ne pas recouvrir. 
La Commune a ses martyrs et ses héros, tombés sur les barricades, fusillés ou déportés, ses penseurs et ses architectes, élus à l’assemblée communale ou dans les arrondissements. 
Mais nous n’oublions pas tous les autres, inconnus, qui ont porté l’espoir, chacun à sa tâche, au service de l’idéal communal.
À Paris comme dans les comités de province, nous nous attachons à les nommer, raconter des bribes de leur vie à partir des quelques informations, parfois une photo, puisées dans les archives.
Un nom, un métier, une origine, et l’imagination fait le reste. On ne les oubliera plus.
Dans le « dictionnaire des enfants emprisonnés », remarquable ouvrage collectif de Claudine Rey, Sylvie Pepino et Annie Gayat, sont recensés deux-mille mineurs, qui ont été incarcérés pendant ou après la Commune.
Voici la courte histoire de l’un d’entre eux, Henri BADAROUX, comme représentant de tous les autres.
Je l’ai choisi sur le seul critère qu’il est né un 24 mai, comme aujourd’hui.
Arrêté le 28 mai 1871, dernier jour de la Semaine sanglante, il venait tout juste d’avoir 16 ans.
Il était garçon épicier. 
Originaire de Lozère, d’où il était sans doute arrivé seul, il habitait chez son patron, dans le 5e arrdt.
Quand un non-lieu est prononcé 4 mois après son arrestation, il se retrouve sans travail.
Devenu indigent, Il repart chez ses grands-parents, dans l’Aveyron.


Vive Henri Badaroux et tous les inconnus de la Commune,
Vive la Commune.

 

 

Publié dans Louise Michel

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